La ville de Bouaké, deuxième plus grande ville de Côte d’Ivoire avec 550 000 habitants (RGPH 2014), située en région de savanes au centre du pays, est localisée sur un site caractérisé par de nombreux cours d’eau et bas-fonds, zones humides fertiles objets de bien de convoitises agricoles et de bien des enjeux d’aménagement. Ceux-ci, éléments paysagers de toute première importance, contribuent à fragmenter l’espace urbain et leur présence est, de ce fait, un défi pour l’aménagement de la ville. Ces bas-fonds sont colonisés par de nombreux agriculteurs, associant quelques élevages piscicoles, culture du riz et maraîchage (photographies 1 et 2).
Si ces activités contribuent à créer des corridors verts de facto au sein de la ville et à participer à l’entretien des bas-fonds, elles ne vont pas sans poser quelques sérieux problèmes.
- Sur le plan environnemental tout d’abord, puisque la mise en culture des bas-fonds et l’édification de digues (photographie 1) perturbent l’écoulement des eaux, en saison sèche au détriment des usages qui pourraient être faits de cette ressource en aval ; en saison des pluies en freinant l’écoulement des eaux et en aggravant de ce fait les inondations qui touchent les habitations les plus proches – pour la plupart édifiées sans permis de construire. Traversant la ville, ces bas-fonds subissent aussi la pollution de leurs cours d’eau, réceptacles d’écoulements pluvieux (photographie 3) et domestiques plus ou moins maîtrisés, et des espaces interstitiels, qui servent trop souvent de dépôts sauvages d’ordures contre lesquels tentent de lutter les agriculteurs (photographies 2 et 4).
- Sur le plan foncier ensuite, puisque les terres des bas-fonds sont officiellement des terres communales dont les villageois, puis certaines catégories de citadins s’essayant à la culture urbaine lorsqu’ils résident à proximité (comme c’est le cas des résidents du camp pénal), se sont appropriés l’usage au point de les considérer aujourd’hui comme leur propriété en en restreignant l’accès par un contrôle social fort.
- Sur le plan des usages enfin, puisque l’importance pris par l’agriculture de bas-fonds peut, en certains endroits et du fait de son exclusivité, empêcher tout autre usage de ces espaces, y compris circulatoire. C’est ce dernier point qui semble aujourd’hui le plus stratégique : comment intégrer en effet ces bas-fonds dans le nouveau schéma directeur d’urbanisme de la ville de Bouaké en conservant leurs usages agricoles tout en permettant une fréquentation et un usage accrus par les autres citadins, notamment dans le cadre de leurs déplacements piétonniers ? Si la question ne se pose pas vraiment pour les bas-fonds qui sont déjà situés en centre-ville, où les points de franchissement pour piétons, deux-roues et voitures, ponts (les moins nombreux), routes et sentiers informels d’abord façonnés par leurs utilisateurs (les plus nombreux, photographies 5 et 6), ne manquent pas.
Il en va tout autrement pour les bas-fonds situés en périphérie et dont les interfluves sont en cours d’urbanisation (photographie 7). Là, les agriculteurs veillent jalousement à leurs terres et aux sentiers qui les traversent, sentiers qui semblent à leurs yeux n’avoir d’autre finalité que celui de leur permettre d’aller à leurs champs et d’entretenir leurs casiers : selon leurs dires une trop forte fréquentation fragiliserait les digues et, plus souvent évoqué, la proximité des sentiers et des cultures constituerait une aubaine pour les chapardeurs.
Ce carnet de terrain a été alimenté par les travaux de 4 étudiants du master STU de Sciences Po :
Simon De Bergh, Roxanne de Saint-Denis, Pauline Prévost et Hélène Titeux
Par Jean-Fabien Steck
Maître de conférences en Géographie – Université Paris Ouest Nanterre la Défense
Pour citer cet article : Jean-Fabien Steck, « Les bas-fonds de Bouaké », carnet de terrain, Rés-EAUx, Publié le 05 février 2016, [En ligne] https://reseaup10.u-paris10.fr/carnet-de-terrain-les-bas-fonds-de-bouake/
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