4ème Apér-EAU scientifique, 11 janvier 2022, 17h : Expliquer le retrait de l’État : Contribution du « process tracing » à la compréhension d’un « critical case study », par Claire Dedieu

4ème Apér-EAU scientifique, 11 janvier 2022, 17h : Expliquer le retrait de l’État : Contribution du « process tracing » à la compréhension d’un « critical case study », par Claire Dedieu

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Belle et heureuse année 2022 à nos abonné.e.s !

L’association Rés-EAUx vous convie à son 4ème Apér-EAU scientifique de la saison 2021-2022, le mardi 11 janvier 2022 à 17h. Nous aurons le plaisir d’accueillir Claire Dedieu, docteure en science politique, postdoctorante au CEREMA et chercheure associée à EVS- ENTPE (Université de Lyon). 


Cet événement sera diffusé en ligne à cette adresse : https://meet.jit.si/moderated/16e6682fcefe2e20b3fef327f11e67b1c603695b7de36cfb782b3c4e15e6fdb7   

En cas de difficulté de connexion, merci de nous contacter par courriel à reseaup10(at)gmail.com. En cas de problème lié au micro, ouvrir le lien dans un autre navigateur.


Résumé de l’intervention par Claire Dedieu

 Expliquer le retrait de l’État : Contribution du « process tracing » à la compréhension d’un « critical case study »

La littérature sur les recompositions de l’État aborde très rarement, en particulier en France, la question de la suppression d’une politique publique. Ceci s’explique en partie parce qu’il s’agit là d’un type de réforme peu probable. Dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) (2007-2012), l’ingénierie publique est la seule « mission notable » à avoir été supprimée (Rapport de Bondaz et al., 2012).

L’ingénierie publique de l’État

L’ingénierie publique renvoie historiquement à un ensemble de missions d’accompagnement, par l’État, des collectivités locales dans le cadre de leurs projets d’infrastructures. Dans le domaine de l’eau (irrigation agricole, eau potable, assainissement…), elle s’est développée dès la fin du XIXe siècle grâce au concours des ingénieurs et techniciens du Génie rural qui ont calqué leur modèle d’intervention sur celui des Ponts et Chaussées.

Le retrait de l’État de cette politique publique est surprenant à plus d’un titre. Sur le plan empirique, l’ingénierie publique a très largement participé, tout au long du XXe siècle, à tisser des relations étroites entre l’État et les collectivités territoriales (Worms, 1966 ; Grémion, 1970 ; Crozier, Thoenig, 1975), dans les villes, mais aussi dans les campagnes (Weber, 1983). En constituant peu à peu autour d’elle une véritable « bureaucratie professionnelle » (Mintzberg, 1979), elle a conforté l’État territorial, composante essentielle du pouvoir d’État (Mann, 1984 ; Scott, 1998). Si bien que supprimer l’ingénierie publique revient à affaiblir l’État dans ses dimensions matérielles, symboliques et relationnelles (Dedieu, 2019). Par ailleurs, le développement de l’ingénierie publique est intrinsèquement lié à celui des grands corps techniques (Ponts et Chaussées et Génie Rural) particulièrement attachés à ces missions (Tavernier, 1967 ; Muller, 1984 ; Thoenig, 1987) et prompts, par conséquent, à les défendre.

Comment donc expliquer le retrait de l’État ? Il est tentant de voir dans la RGPP le principal facteur explicatif de ce retrait, en particulier lorsque celui-ci intervient quelques années après seulement une séquence de réformes visant à intégrer les critiques qui lui ont été adressées (Barone, Dedieu, Guerin-Schneider, 2016). Dans le même temps, cette précédente séquence de réformes interroge. Quelles étaient les critiques en question ? À quel moment sont-elles apparues ? Quel rôle ont-elles joué dans la dernière séquence de réforme ? En somme, la séquence RGPP épuise-t-elle les logiques explicatives de la politique de retrait ?

Sur le plan théorique, les travaux français sur les recompositions de l’État mettent l’accent sur les résistances au changement institutionnel (Bezes, Le Lidec, 2015), sur l’existence d’un retrait de l’État, mais qui se limite à certains territoires (Artioli, 2017 ; Barrault-Stella, 2016) ou encore sur des changements d’échelle et d’instruments de gouvernement (Epstein, 2005 ; Gally, 2018) visant à renforcer la logique centralisatrice de l’État sans pour autant affaiblir sa capacité à gouverner les territoires. Ces théories font du maintien de l’État un « most likely case » (Eckstein, 1975). Le retrait de l’État de ses missions d’ingénierie publique constitue donc un « crucial case study » qui vient réinterroger ces théories du maintien de l’État.

À partir du concept de « trajectoire de réformes » (Bezes, Palier, 2018) et d’une méthodologie empruntée au « process tracing » sensible aux « trois I » (Surel, 2018), cette présentation revient sur le travail d’identification des mécanismes causaux qui permettent d’expliquer le passage d’une séquence de réformes organisant l’expansion des missions d’ingénierie publique à la fin du XIXe siècle à la séquence de réformes plus récente organisant le retrait de l’État de ces missions.

Ce cas d’étude improbable est passionnant pour qui s’intéresse aux mécanismes qui conduisent au changement institutionnel et, pour le cas présent, au retrait de l’État.

Légende de la photo : Bureaux d’une ancienne DDE en train d’être vidés (à l’occasion de la fusion DDE/DDAF). 

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