Dans le cadre des cours de Travaux Dirigés de Licence 1ère année de Géographie à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, nous avons encouragé les étudiants à suivre l’exposition « Le cycle Hydrosocial : phot’Eaux de terrains », et à se prêter à l’exercice en prenant des photographies en ayant soin de relever les aspects sociaux qui s’en dégagent. Cette première expérience de « terrain » et de photographie scientifique pour les étudiants vous a été présentée grâce à Antoine Mazer. Retrouvez ici la seconde carte postale par Lucie Baron
Thème choisi : Eau et Techniques
Tanneries traditionnelles: des questionnements culturels, environnementaux, et sociaux
Au détour d’une ruelle dans la médina de Fès, cette tannerie comme de nombreuses autres au Maroc, illustre l’artisanat encore très vivace du pays. Par une chaleur écrasante (photographie prise en aout 2009), des hommes traitent les peaux d’animaux dans une succession d’alvéoles contenant des produits chimiques et des colorants. Les eaux usées sont déversées sans traitement dans les caniveaux. Cette action a des conséquences sanitaires non négligeables à l’échelle locale sur le sol, l’eau et l’air, et recoupe/croise d’autres enjeux socio-économiques.
Cette technique artisanale de la tannerie utilise l’eau additionnée à des produits naturels (comme le tanin contenu dans l’écorce d’arbres) ou chimiques (comme le chrome), de manière à préparer la peau de l’animal et y fixer la teinture. Les eaux usées sont rejetées sans traitement, dans des égouts par exemple. Ce geste réalisé par de nombreuses tanneries a des conséquences à l’échelle locale. Les eaux usées peuvent rendre le sol stérile par l’afflux de polluants et le dépôt de carbonate de calcium entraîne par la même occasion un encrassement des égouts. Elles peuvent aussi polluer les eaux de surface par des matières organiques, ou s’infiltrer à long terme dans les nappes phréatiques. L’utilisation d’eau douce en excès peut entraîner un épuisement de celle-ci. Enfin, en plus des effets néfastes sur le sol et l’eau, cette technique a un impact sur la qualité de l’air dont l’odeur devient nauséabonde.
Ainsi, un traitement des eaux permettrait une meilleure gestion des métaux lourds comme le chrome. Une technique artisanale comme le tannage a de lourdes conséquences localement et dans le temps. Il est donc impératif de trouver des solutions pour les atténuer. Les conséquences sur l’homme, en contact direct avec les eaux et les produits, sont également à prendre en considération.
Au sein de la filière du cuir au Maroc comptant environs 340 unités industrielles en 2010 sur l’ensemble du pays, près de 60 établissements de tannerie géraient environs 1450 emplois, pour une production de 450 millions de Dirham (soit environ 45 millions d’euros). Une tendance à la baisse du nombre de tanneurs et de la production est à noter et relève de plusieurs facteurs comme la diminution progressive de certaines traditions, ou une élévation du niveau social général menant à une éducation davantage portée sur les industries nouvelles ou le commerce.
Le sujet des tanneries est donc à la convergence d’enjeux environnementaux, sociaux, politiques ou encore culturels, parmi lesquels il faut trouver des compromis entre la conservation du procédé traditionnel et une meilleure appréhension de ses conséquences.
Par Lucie Baron, étudiante L1 Histoire de l’Art,
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Pour citer cet article: Lucie Baron: «Tanneries traditionnelles, des questionnements culturels, environnementaux, et sociaux », cartes postales, Rés-EAU P10/ Water Network P10, Publié le 27 mai 2014, [En ligne]/http://reseaux.parisnanterre.fr/carte-postale-detudiant-tanneries-traditionnelles-des-questionnements-culturels-environnementaux-et-sociaux-par-lucie-baron
One Response
Kevin de la Croix
Belle photo! Bravo Lucie pour cette carte qui illustre bien les problématiques engendrées par ces tanneries dans de nombreux pays des Suds.