Milford dam, Ludovic Drapier
Le Milford dam se dresse toujours en travers du fleuve Penobscot dans l’Etat du Maine, au Nord-Est des Etats-Unis. Il est un héritage du passé industriel de la vallée du Penobscot, qui au XIXème siècle, constituait le cœur de l’industrie du bois des Etats-Unis. Le bois provenait du cours supérieur du fleuve et était acheminé par flottage jusque dans les scieries installées dans les alentours de Bangor, quelques miles en aval du Milford dam. Une opération de restauration de la continuité écologique de grande envergure a été menée sur le Penobscot entre 2004 et 2015. Le principal enjeu de cette opération était le rétablissement de la libre circulation des poissons migrateurs qui remontent et descendent le fleuve. Parmi les 11 espèces ciblées, le saumon atlantique (Salmo salar) occupe une place particulière par son caractère symbolique et son classement sous le régime de l’Endangered Species Act. Cet acte, voté en 1973, protège les espèces considérées comme en danger, et établit un classement à trois niveaux: un premier niveau (candidate) pour les espèces susceptibles d’être en danger, le second threatened (menacé) et le troisième endangered (en danger). Sur la Penobscot, le saumon atlantique est classé endangered, ce qui signifie qu’il ne peut pas être pêché et que des projets de protection ou de restauration de son habitat peuvent être menés.
De manière concrète, l’opération, qui a coûté 62 millions de dollars (≈55 millions d’euros), a consisté en l’arasement de deux ouvrages situés plus en aval (Veazie dam et Great Works dam), à la mise en place d’une rivière de contournement au niveau du Howland dam 30 miles plus en amont et à l’équipement d’un ascenseur à poisson en rive gauche du Milford dam (non visible sur la photo), aujourd’hui le plus en aval. Ces opérations ont été conjuguées à une augmentation de la capacité de production d’énergie hydroélectrique sur les autres ouvrages du système. Le compromis doit permettre au projet d’éviter les critiques pouvant porter sur la perte de capacité de productions énergétiques, souvent mis en avant par les détracteurs des opérations de démantèlement d’ouvrages.
Ainsi, le Milford dam est le lieu de rencontre de plusieurs enjeux autour du fleuve Penobscot : la restauration de la continuité écologique et de la libre circulation des espèces migratrices soutenues par des agences fédérales et des associations environnementales ; l’importance du saumon dans la culture locale, notamment de celle de la tribu amérindienne des Penobscot ; la mémoire du passé industriel de la région qui a fait de Bangor une place forte du commerce mondial de bois au XIXème siècle ; la production d’énergie hydroélectrique dans un contexte de volonté de réduction des gaz à effet de serre.
Billet réalisé dans le cadre d’une thèse financée par l’Agence de l’Eau Seine Normandie.
Par Ludovic Drapier
Doctorant en Géographie – Université Paris-Est Créteil – Laboratoire de Géographie Physique
Pour citer cet article : Ludovic Drapier, « Les enjeux autour de la restauration du fleuve Penobscot », carnet de terrain, Rés-EAUx, Publié le 22 septembre 2016, [En ligne] https://reseaup10.u-paris10.fr/carnet-de-terrain-les-enjeux-autour-de-la-restauration-du-fleuve-penobscot
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