Dans le cadre de ses activités, le rés-EAU P10 organise une exposition de photographies autour du thème qui le rassemble : l’eau. L’objectif est de permettre aux chercheurs et doctorants travaillant sur la thématique de l’eau de partager leurs expériences de terrain à travers des photos prises lors des enquêtes de terrain. Nos terrains de recherche constituent la force et le point d’ancrage de cette exposition du fait de la dimension des zones d’études couvertes : de l’Europe de l’est à l’Asie du Sud en passant par l’Afrique du Nord et de l’Ouest jusqu’en Amérique.
Cette exposition collective puise son inspiration dans la notion de « cycle hydrosocial » développée entre autres par le géographe Jamie Linton – parrain de cette exposition – qui va au-delà des dimensions techniques du cycle de l’eau, pour mettre en avant les enjeux sociaux. Cette exposition tente de mobiliser ce concept théorique en s’appuyant sur des images issues de nos expériences de recherches. Une illustration plus évidente peut-être que celle de l’écriture, du lien souvent difficilement perceptible entre concepts théoriques et données de terrain. En s’inspirant de cette notion, l’exposition est organisée autour de quatre thèmes :
* Eaux et paysages
* Eaux et techniques
* Eaux et acteurs
* Eaux et pouvoirs
Nous nous efforçons ainsi de partager nos travaux de manière à les rendre plus accessibles aux personnes non spécialistes de ces sujets.
Après une première exposition, accueillie par l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, parraine de notre réseau et de l’exposition, les photos pourront voyager dans d’autres lieux.
Voir quelques extraits
Le Rés-EAU P10 remercie le Service des Affaires Culturelles et la Commission d’Aide aux Projets Etudiants de l’Université Paris Ouest, le Crous de Versailles et le Séminaire Hydropolitiques et Hydrosystèmes pour leur soutien financier, matériel et humain pour la réalisation de cette exposition.
Présentation de l’exposition et du concept de cycle hydrosocial, par Jamie Linton, parrain de ce projet :
Le cycle hydrosocial est un concept récent dans la recherche en sciences sociales et humanités. Ce concept considère que l’eau, en plus de sa nature physique, a aussi une réalité sociale, comme un élément changeant selon les circonstances sociales et les particularités de l’espace. Si l’aspect physique de l’eau peut être représenté par le schéma classique du cycle hydrologique, le cycle hydrosocial souligne les dimensions culturelles et historiques de l’eau. Saisir ces dimensions sociales à travers des photographies est un très bon complément au travail théorique pour construire le cycle hydrosocial. Voici une bref esquisse de ce concept :
Le cycle hydrosocial est issu du concept du cycle hydrologique, mais alors que le cycle hydrologique décrit un processus dit «naturel» (dans le sens où il se produit indépendamment de l’homme), le cycle hydrosocial décrit les processus qui se produisent en tant que co-production des actions humaines et des processus non-humains (hydrologiques). Dans un article récent, ma collègue Jessica Budds et moi définissons le cycle hydrosocial comme « un processus socio-naturel par lequel l’eau et la société se font et refont les uns les autres dans l’espace et le temps»*. Le sens que les sociétés donnent à l’eau, par exemple, joue un rôle important dans la façon dont il est géré. La signification de l’eau elle-même est le coproduit de l’hydrologie et de l’histoire. En effet, les propriétés physiques de l’eau et l’histoire humaine se combinent pour faire en sorte que le sens et la signification de l’eau ne soient jamais figés : ils sont toujours polyvalents, toujours changeants et toujours contestés. Le cycle hydrosocial tente de décrire le processus par lequel les perceptions de l’eau se forment, comment elles aident à éclairer les politiques de l’eau et l’accès de l’eau elle-même, et comment ces derniers évoluent.
Le schéma ci-dessous représente notre conceptualisation du cycle hydrosocial. Voici quelques éléments pour identifier ses différentes composantes :
– «H2O» représente la réalité scientifique de l’eau avec ses propriétés physiques uniques et les modes de circulation dans le cycle hydrologique.
– «Pouvoir et structure sociale» représentent les circonstances politiques et culturelles qui donnent lieu à des identités, des formes d’appropriation et d’accès, des droits et des significations de l’eau différentes.
– La technologie et l’infrastructure représentent la façon dont l’eau est exploitée par les gens, ainsi que les interventions humaines dans le cycle hydrologique.
– «l’Eau», entre guillemets au centre, représente les significations de l’eau qui se rapportent à un ensemble donné de circonstances hydrologiques et sociales.
– Le cercle et les flèches représentent les flux littéraux et figuratifs de l’eau (notez que les flèches se déplacent dans les deux sens) reliant les différentes composantes du cycle hydrosocial.
Ce schéma nous permet de représenter quelques idées clés :
Tout d’abord, la nécessité de gérer l’eau a un effet important sur l’organisation de la société, qui à son tour, affecte l’accès de l’eau, ce qui donne lieu à de nouvelles formes d’organisation sociale etc., dans un processus cyclique.
D’autre part il y a l’idée que l’eau et la société sont liées d’une manière décrite comme «interne», ce qui signifie que certains types de circonstances sociales produisent différents types d’eau, et vice versa.
Ensuite, en dépit de cette production sociale de l’eau, et de la construction sociale de représentations de l’eau, les propriétés matérielles de l’eau jouent un rôle actif dans le processus hydrosocial. Par exemple, elles peuvent parfois structurer les relations sociales et parfois les perturber (comme dans le cas d’une inondation majeure).
Je voudrais terminer en soulignant la pertinence des quatre thèmes retenus pour ce projet : Eaux et paysages, Eaux et techniques, Eaux et acteurs, Eaux et pouvoirs. En effet, ces thèmes correspondent très bien aux différentes composantes et relations du cycle hydrosocial comme nous l’avons envisagé. Ce projet m’a incité à réfléchir à la façon dont je pourrais représenter ces composantes et ces relations avec les photos que j’ai pris au cours de mes propres recherches. J’espère que vous êtes tout aussi inspirés !
* Jamie Linton et Jessica Budds, à paraître, The Hydrosocial Cycle: Defining and Mobilizing a Relational-Dialectical Approach to Water, Geoforum.
ACLOQUE Delphine : Doctorante en géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques
ATASHINBAR Mohammad : Doctorant en géographie, Université Paris Diderot, Laboratoire LADYSS
CREMIN Émilie : Doctorante en géographie, Université Paris 8 Saint Denis, Centre d’Études himalayennes
de la CROIX Kévin : Doctorant en géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques
CROMBE Laure : Doctorante en géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques
FAUTRAS Mathilde : Doctorante en géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques
FLORENTIN Daniel : Doctorant en urbanisme, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS)
FOY Roman-Oliver : Doctorant en géographie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
GARDON Jacques : Chercheur à l’IRD
GIRES Auguste : Chercheur au Laboratoire Eau, Environnement et Systèmes Urbains (LEESU), École des Ponts ParisTech
GRIECO Kyra : Doctorante en anthropologie, EHESS – Centre de recherche sur les mondes américains (CERMA / MASCIPO)
KHEMIRI Emna : Doctorante en géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques
LANDY Frédéric : Professeur de géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques
MITROI Veronica : Sociologue, Post-doctorante au Laboratoire Eau, Environnement et Systèmes Urbains (LEESU)
PUSCHIASIS Ornella : Doctorante en géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques
RIAUX Jeanne : Chercheure en anthropologie, IRD, UMR Gestion de l’eau, Acteurs, Usages (G-EAU)
ROUCHE Nathalie : Chercheure à l’IRD, UMR Hydrosciences
ROWLANDS R. Jorge : Étudiant en Master 2 d’anthropologie, EHESS
SANTISTEBAN Nathalie : Doctorante au Centre de recherche sur les mondes américains, EHESS
TEMPLE-BOYER Élise : Maître de conférence en géographie, Université Paris Ouest Nanterre, Laboratoire Mosaïques