Mathilde Chauffour : CR du 3ème Apér-EAU scientifique avec Laurence Lestel

Mathilde Chauffour : CR du 3ème Apér-EAU scientifique avec Laurence Lestel

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CR Apér-EAU Laurence Lestel : « Quel usage des cartes anciennes pour la restauration des rivières« 

Mardi 28 novembre 2017, péniche Antipode.

Présentation

L’étude des cartes anciennes peut être mobilisée dans les projets de restauration des rivières ou pour l’étude de l’évolution des cours d’eau. Les travaux menés à ce sujet par le groupe de recherche PIREN Seine (dont les travaux portent sur l’évolution dans le temps de la qualité de l’eau sur le bassin versant de la Seine) ont fait l’objet d’une présentation menée par Laurence Lestel, chargée de recherche au CNRS.

Les projets de restauration écologique des cours d’eau qui ont actuellement lieu en France sont liés aux objectifs définis par la Directive Européenne Cadre sur l’Eau de 2000, qui oblige les Etats membres de l’Union Européenne à atteindre le « bon état écologique » de l’ensemble des masses d’eau de leurs territoires. On passe donc d’une gestion des rivières axée sur leurs fonctionnalités à une gestion dont l’objectif est la  préservation de la continuité écologique.

Cependant, ce principe de continuité écologique sous-entend la notion d’un retour à un état antérieur, mais quel est-il ? Comment le définir ?

Laurence Lestel présente l’exemple du Ru de Gally. Ce ruisseau d’une vingtaine de kilomètres est un-sous-affluent de la Seine, il s’écoule dans le département des Yvelines, dans la plaine de Versailles et a fait l’objet d’une restauration. Cette dernière s’est effectuée au travers d’interventions sur la morphologie du cours d’eau et son écologie, et sur des travaux liés à l’hydraulique afin de protéger la population contre le risque d’inondation. Le but est de se rapprocher de caractéristiques moins anthropisées, via un reméandrage et la restauration de la ripisylve.

Le projet de restauration du ru de Gally a fait l’objet d’une vidéo réalisée en 2012 par le Syndicat Intercommunal d’Aménagement et d’Entretien du Ru de Gally (SIAERG). Dans cette vidéo de présentation, il est fait mention des cartes anciennes, leur utilisation confortant l’idée qu’on souhaite revenir à un état antérieur. Mais, dans le cas présent, les maîtres d’ouvrage ne prennent pas en compte les raisons pour lesquelles le ru avait été reprofilé dans les années soixante, et vont élever le lit du ru sous prétexte d’un retour à un état antérieur. En effet, le SIAERG fut créé en 1965 afin répondre à des problèmes liés à l’augmentation de la population alentours. Les eaux usées étaient auparavant déversées dans le cours d’eau, au-delà de ses capacités d’absorption, ce qui a eu pour conséquences d’envaser le lit du ru et ainsi d’augmenter le risque d’inondation. Le Syndicat a alors entrepris la réalisation des premiers travaux d’aménagement en 1967 avec pour objectifs d’augmenter la profondeur du lit du ru, afin qu’il soit en capacité d’absorber les eaux usées des villages riverains.

L’absence de prise en compte, par les maîtres d’ouvrage actuels, des raisons pour lesquelles la profondeur du lit du ru de Gally avait été augmentée peut alors avoir possiblement les mêmes conséquences sur le cours d’eau que dans les années cinquante et audébut des années soixante, soit d’augmenter le risque d’inondation.

A travers cet exemple, Laurence Lestel présente l’usage qui peut être fait des cartes anciennes.

On peut en faire différentes lectures :

  • Une lecture telle que perçue par le réalisateur de la carte
  • Une lecture diachronique pour comprendre l’évolution du cours d’eau

Laurence Lestel évoque également les travaux qui ont été menés sur le Danube à Vienne, et qui sont présentés dans l’article Two steps back, one step forward: reconstructing the dynamic Danube riverscape under human influence in Vienna, (Hohensinner, et al., 2013), tiré de la revue Water History.

La méthodologie mobilisée dans le cadre du projet ArchiSeine, mené par le groupe de recherche PIREN Seine sur le bassin versant de la Seine[1] a, entre autres, consisté à effectuer des recensements des cartes anciennes à différentes échelles : sur l’ensemble du territoire, sur des territoires en particulier. Et ce, afin d’avoir une meilleure connaissance des cours d’eau concernant la navigabilité, les aménagements, les conflits, les inondations. Les ressources mobilisées sont les archives nationales (séries CP/F/14) et les archives des Ponts et Chaussées série (F/14).

Des travaux de géoréférencement de certaines cartes anciennes ont été effectués, permettant ainsi de pouvoir repérer sur la carte des positions ou des objets par leurs coordonnées GPS. Cette méthode consiste à repérer sur la carte ancienne, grâce à un logiciel de systèmes d’informations géographiques, suffisamment de points dont on connait actuellement les coordonnées, ce qui permet par la suite de quadriller automatiquement l’intégrité de la carte ancienne. Pour cela il ne faut pas utiliser des points liés au lit de la rivière (et donc susceptibles d’évoluer dans le temps, tel que le creux d’un méandre), mais plutôt des points qui ne bougent pas dans le temps tel que du bâti remarquable.  Cela permet d’analyser l’évolution des méandres dans le temps, et en l’occurrence de remarquer la perte du caractère insulaire à la confluence de la Marne et du Morbras (petite rivière urbaine d’une vingtaine de kilomètres prenant sa source à Pointcarré (77) et s’écoulant jusqu’à sa confluence avec la Marne à Bonneuil-sur-Marne (94)).

Elle nous montre également des travaux de comparaisons entre cartes anciennes, cartes récentes ainsi qu’images satellites, ce qui peut permettre de montrer la réappropriation de la rivière en termes d’enjeux socio-économiques.

L’idée d’un retour à un état antérieur dans les projets de restauration des cours d’eau peut appeler à la mobilisation des cartes anciennes pour justifier de ces derniers. Pour autant, il est nécessaire de les utiliser avec parcimonie. Les cartes anciennes sont malgré tout des outils permettant d’acquérir de précieuses informations quant à l’histoire et à l’évolution des cours d’eau et en particulier à l’évolution de leurs formes et des aménagements dont ils ont pu faire l’objet.

Référence bibliographique en lien avec le sujet :

Approche géohistorique de la Seine dans la Bassée durant les deux derniers siècles (Lestel L., Steinmann R., Dumont A., 2016)

[1] L’ensemble des travaux du groupe de recherche PIREN Seine est disponible sur leur site internet (Cf. www.archiseine.sisyphe.jussieu.fr).

 

Texte rédigé par Mathilde Chauffour, étudiante de Master 2 GEDELO

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