Le lundi 8 juillet 2013, j’ai été convié dans ma patrie natale, Belfort, pour intervenir dans le cadre d’une journée d’échange et de réflexions sur la coopération et la solidarité internationale centrée autour du thème de l’eau. Cette journée a été organisée par le CERCOOP: Centre de Ressources pour la COOpération décentralisée en Franche-Comté, qui se veut être une réseau régional d’échange, d’appui et de concertation entre différents acteurs impliqués dans les démarches de solidarité internationale (collectivités, associations de solidarité internationale, universitaires, services déconcentrés de l’Etat, entreprises, etc.). La création de ce réseau suit une dynamique nationale amorcée depuis le début des années 1990 avec la naissance légale de la coopération décentralisée (qui va au delà des politiques de jumelage), et chercher à coordonner, mutualiser les actions au niveau régional pour appuyer et recenser les différentes initiatives de solidarité. La connaissance de ce dispositif et ses objectifs rejoint celui de notre rés-EAU P10 qui ambitionne de créer des liens au niveau de la recherche sur l’eau en sciences sociales mais aussi souhaite s’ouvrir aux acteurs plus institutionnels. On reste bien dans les deux cas dans cette même dynamique de réseau!
La journée s’est déroulée autour de deux tables-ronde animées par le rédacteur en chef de la revue trimestrielle de solidarité internationale Altermondes, David Eloy, et centrées autour de l’eau avec une matinée consacrée à la gouvernance locale et une après-midi focalisée sur une approche par le genre. Mais avant de se retrouver « autour de la table », petit retour historique sur les 30 ans d’implication dans une démarche de coopération décentralisée entre le territoire de Belfort et le Burkina Faso à l’appui d’un court documentaire tourné en 2009 dans les villages bénéficiant de l’aide de la communauté d’agglomération belfortaine à hauteur de 0,25% de ses recettes sur l’eau pour la solidarité internationale, soit 22 000 euros par an.
Pour moi c’est à nouveau le grand bain, car voici venu le temps de s’asseoir en face d’un auditoire attentif d’une quarantaine de personnes, et de discuter des questions d’accès à l’eau en tant que démarche collective d’apprentissage citoyen. Heureusement je suis entourée d’autres intervenants dont la pluralité représente bien le champ multi-acteurs de l’aide au développement. A ma gauche sont présents une représentante de collectivité territoriale: Amel DJAFFAR, en charge des relations internationales de la ville de Belfort, un directeur de l’agence de l’eau: Laurent TEISSIER, directeur de la délégation régionale Rhône-Méditerranéenne-Corse. A ma droite, sont assis un représentant d’une association locale de solidarité internationale: Pierre MORET pour Amitiés Berbères, et enfin une directrice d’ONG: Danielle TOURE-ROBERGET pour Eau-Vive. Pourtant je me sens à vrai dire un peu seule dans le paysage universitaire… Mais le chef d’orchestre de la session David ELOY, semble bien connaître ses intervenants, et après avoir lancé le débat autour des dynamiques qui impulsent un projet de coopération en matière d’accès à l’eau, à chacun de se présenter brièvement et de donner son point du vue à travers son expérience ou celle de son institution.
Mon regard de jeune chercheuse a porté sur l’explication de la démarche scientifique qui vise à s’ « enraciner » sur un terrain, et au regard de notre débat, à s’intéresser à comprendre l’origine de l’eau pour ensuite en répertorier les usages, les mécanismes de gestion, les règles d’accès. Il m’a paru aussi important de rappeler les aspects des représentations (religieuses, sociales, etc) qui entourent les ressources en eau. J’ai cherché à mettre en avant les liens que l’on pouvait tisser entre les projets de développement et les recherches qui sont menées sur une même région dans une démarche de collaboration, et tout en apportant des exemples concrets issus de mon expérience d’immersion dans la région de l’Everest, au Népal. Le tour de table a fait apparaître des points de vue différents sur la façon de travailler pour l’amélioration de la gouvernance locale, notre thème fédérateur. Mais nos remarques se rejoignaient dans le sens d’une volonté d’appropriation des projets par la population surtout concernant la maîtrise de l’eau.
Le débat a été ensuite ouvert à la salle avec des questions variées allant de l’exploitation à la distribution de l’eau, en passant par sa potabilité, jusqu’à la récupération et au stockage d’eaux de pluie. Il a été aussi évoqué le choix des zones géographiques où interviennent les projets financés par la coopération décentralisée et les questions géopolitiques qui les sous-tendent. Globalement l’intérêt porté à l’eau a dépassé le cadre belfortain ou strictement régional pour vraiment discuter des enjeux mondiaux tournant autour de l’accès à l’eau comme droit fondamental, où chaque intervenant a pu illustrer la question avec des exemples concrets issus d’une démarche de solidarité internationale. Nous avons alors pu voyager majoritairement en Afrique du Nord et de l’Ouest compte tenu de l’aire d’action de chacun (Ville de Belfort, ONG « Eau Vive », Association « Amitiés Berbères »), en Asie par mon biais, mais aussi en Amérique Latine et au Moyen Orient à travers les échanges avec le public.
La matinée fut donc riche en enseignement et a apparemment suscitée l’intérêt des personnes présentes dans la salle. L’initiative de ce débat par le CERCOOP semble avoir atteint son objectif de rassembler autour d’une table des acteurs différenciés qui travaillent ou étudient l’aide au développement au prisme de l’eau, et ce autour d’une vraie discussion et non pas d’une succession d’interventions. Et finalement si les questions abordées sont larges autour de la gestion concertée et « transparente » de l’eau, nous avions tous notre « bouée de sauvetage »: des cas précis de travaux réalisés dans des villages en partenariat avec des locaux. Et l’on aurait pu encore aller plus loin en évoquant les problèmes de corruption, les conflits qui émanent parfois de jalousie… Je salue encore l’initiative du réseau franc comtois dont l’ambition rejoint celle de notre rés-EAU P10: favoriser les échanges et les transferts d’expérience, cependant nous gardons une ligne plus scientifique qu’institutionnelle.
Pour citer cet article: Ornella Puschiasis, «L’accès à l’eau: une démarche collective d’apprentissage citoyen. Retour d’expérience sur une table ronde organisée par le CERCOOP de Franche-Comté », Billets courts , Rés-EAU P10 / Water Network P10, Publié le 15 juillet 2013, http://reseaux.parisnanterre.fr
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