Dans le cadre des cours de Travaux Dirigés de Licence 1ère année de Géographie à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, nous avons encouragé les étudiants à suivre l’exposition « Le cycle Hydrosocial : phot’Eaux de terrains », et à se prêter à l’exercice en prenant des photographies en prenant soin de relever les aspects sociaux qui s’en dégagent. Cette première expérience de « terrain » et de photographie scientifique pour les étudiants vous est présentée grâce à quelques travaux choisis, dont voici le premier exemple par Antoine Mazer.
La dame du lac
Thème choisi: Eau et Techniques
Cette photographie, prise sur une route de montagne à quelques kilomètres de Val d’Isère le 15/02/2014, montre en premier plan une statue de femme, la « Dame du Lac », contemplant le lac créé par le barrage de Tignes, aussi appelé barrage du Chevril.
Longtemps considéré comme le plus haut d’Europe, le barrage de Tignes produit près de 1 milliard de kWH par an, soit la consommation électrique de la ville de Grenoble. Commencée en 1948, la construction de cet édifice était justifiée sur le plan national par la nécessité de trouver de nouveaux systèmes de production d’électricité. Elle fut cependant très controversée sur le plan local, dans la mesure où les habitants de l’ancien village de Tignes furent forcés d’évacuer, ce que commémore la Dame du Lac. Celle-ci, créée en 2003, par l’artiste italien d’origine savoyarde Livio Benedetti, représente une femme portant certains éléments du costume traditionnel savoyard, comme le bonnet, le châle ou le jupon.
Cette photographie pose un problème de fond: jusqu’où pouvons-nous aller pour exploiter et tirer profit des ressources en eau d’un territoire ?
Dans une toute autre mesure, le barrage de Tignes rappelle en effet la polémique créée par le barrage des Trois Gorges en Chine, la plus grande centrale hydroélectrique du monde, responsable du déplacement, sans aide de l’Etat, de 1,8 millions de personnes, et ayant suscité plusieurs polémiques environnementales.
Le cas du barrage de Tignes est évidemment, et heureusement, bien moins grave que l’exemple chinois. Ce barrage a même bénéficié d’une publicité positive en devenant le support du plus grand trompe l’œil du monde, une fresque représentant Hercule soutenant le barrage sur ses épaules. Le rapport à l’eau va encore plus loin, dans la mesure où les habitants du vieux village de Tignes, alors englouti, ont créé un nouveau village en amont des sources alimentant le lac nouvellement formé, pour créer la station de ski de Tignes. L’eau, sous son aspect solide, n’est alors plus un moyen de production d’énergie, mais une source de loisir permettant la pratique de sports d’hiver, et a permis un développement sans précédent du tourisme dans la région.
Par Antoine Mazer, étudiant L1 Géographie, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Pour citer cet article: Antoine Mazer: « La dame du lac », cartes postales, Rés-EAU P10/ Water Network P10, Publié 29 avril 2014, [En ligne]/http://reseaux.parisnanterre.fr/carte-postale-detudiant-la-dame-du-lac-par-antoine-mazer/
4 Responses
Sarrazin Caroline
L’initiative est très intéressante. Cet article nous conforte dans l’idée que les enjeux de l’eau se rencontrent à de multiples échelles (pour ne pas dire à toutes les échelles) et ne se limitent jamais aux problèmes économiques seuls.Il faut aller chercher bien au delà…
Bravo !
ornella puschiasis
Bravo à Antoine pour avoir réussi le pari d’avoir un regard scientifique sur l’eau dans le cadre de son année de licence et pour cette première approche réussie de géographe. Cette dame du lac mêle à la fois les questions de technicité autour de l’eau avec la production d’électricité, mais aussi le sentiment de mémoire que rappelle cette statue qui fait face au village englouti…
de la croix
Très belle première carte postale Antoine; le texte est au service de cette belle photo.
Zhour Bouzidi
Bravo Antoine! très belle carte postale !!!